
Un collègue qui court toujours après la première place, un ami incapable de refuser quoi que ce soit, un parent traquant le moindre défaut : ces attitudes, loin d’être de simples excentricités, puisent leur force dans des schémas profonds, opérant en silence sous la surface. Et si un seul mot, driver, pouvait faire la lumière sur ces rouages cachés qui dictent nos choix, bien avant qu’on en ait conscience ?
Les drivers de Kahler, bien plus que des mantras de développement personnel, dévoilent la mécanique secrète de nos motivations. Percer leurs codes, c’est s’offrir la possibilité de lire, presque à livre ouvert, nos réactions face à la pression et notre façon d’entrer en relation avec autrui.
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Plan de l'article
Comprendre l’origine et la portée des drivers de Kahler
À la croisée de la psychologie et de l’art de communiquer, les drivers de Kahler s’ancrent dans l’héritage de l’analyse transactionnelle d’Eric Berne. Dans les années 60, Berne pose les bases du scénario de vie – cette trame inconsciente qui influence chaque étape de l’existence. Taibi Kahler, clinicien et chercheur, affine cette vision en nommant les drivers : ces messages contraignants, semés dès l’enfance par parents et éducateurs, qui vont façonner notre manière d’être au monde.
- Les drivers sont au cœur du Process Communication Model (PCM), développé par Kahler dans les années 1970, et servent également de référence en analyse transactionnelle.
- Ils se traduisent par des injonctions martelées : « sois parfait », « fais des efforts », « fais plaisir », « dépêche-toi », « sois fort ».
Ces messages contraignants ne sont pas de simples conseils bien intentionnés. Ils s’incrustent au plus profond de l’individu, sculptant attitudes et décisions jusque dans la maturité. Le scénario de vie, concept central chez Berne, subit l’influence de ces drivers, qui deviennent autant de filtres dans la perception de soi et des autres.
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Le Process Communication Model vient dynamiser la lecture de ces mécanismes, en croisant types de personnalité et façons de réagir en situation tendue. Décoder ses drivers, c’est s’ouvrir à une compréhension fine de la relation, anticiper les dérapages, mieux accompagner les mutations. Le modèle irrigue bien au-delà de la sphère intime : il s’invite dans le management, la formation, le coaching, partout où la communication devient levier de transformation.
Pourquoi ces messages contraignants influencent-ils nos comportements ?
Les messages contraignants légués durant l’enfance structurent la manière dont chacun affronte le monde. Transmis par des figures d’autorité, ces drivers sculptent l’estime de soi, façonnent les attentes, dictent des stratégies d’adaptation. Leur force réside dans leur ancrage précoce, à une période où l’enfant n’aspire qu’à la reconnaissance et à la sécurité.
Quand le stress s’invite, ces drivers ressurgissent et dictent les conduites, souvent sans que l’on s’en rende compte. Le modèle de la Process Communication distingue plusieurs intensités de stress, révélant à chaque palier l’emprise d’un driver spécifique :
- Premier niveau : l’individu agit pour mériter l’approbation de son entourage.
- Deuxième palier : la contrainte se resserre, le comportement devient mécanique, presque obsessionnel.
- Troisième stade : le driver prend les commandes, provoquant des réactions inadaptées, voire contre-productives.
Ce qui fait la puissance de ces messages, c’est leur capacité à s’enraciner au cœur même de l’identité, à teinter durablement choix, réactions, façons de gérer les tensions. Mettre au jour ce mécanisme, c’est comprendre la source de nombre de nos automatismes relationnels, et entrevoir une nouvelle lecture des jeux d’influence, d’adhésion ou de retrait dans les groupes sociaux.
Les cinq drivers décryptés : caractéristiques et exemples concrets
Chaque personne, dès le plus jeune âge, absorbe des drivers qui viendront colorer ses choix et ses attitudes. Taibi Kahler, héritier des travaux de Berne, en a mis en lumière cinq, qui traversent la plupart des itinéraires de vie :
- Sois parfait : rechercher la perfection, traquer la moindre erreur, vivre dans la peur constante de l’imperfection. Le perfectionniste avance sur un fil, tiraillé entre minutie et angoisse de l’échec, parfois jusqu’à l’immobilisme.
- Fais des efforts : glorifier la sueur, valoriser la difficulté. Ici, la réussite n’a de valeur que si elle est arrachée de haute lutte, quitte à s’épuiser et à ne jamais savourer le fruit du travail accompli.
- Fais plaisir : vouloir satisfaire tout le monde, répondre à toutes les attentes, même à contre-cœur. Ce driver rime avec difficulté à dire non, et tendance à s’oublier soi-même pour ne pas décevoir.
- Dépêche-toi : vivre dans l’urgence, agir dans la précipitation. L’empressement devient une seconde nature, générant stress et erreurs répétées, faute de recul.
- Sois fort : afficher une maîtrise de soi à toute épreuve, bannir la vulnérabilité. L’émotion se tait, les failles se cachent, mais l’isolement finit par s’installer.
La force de ces drivers s’exprime dans leur multitude de visages : un manager pointilleux jusqu’à l’épuisement, un collègue incapable de refuser un dossier, un collaborateur qui travaille dans la précipitation permanente… Chacun incarne, à sa façon, l’emprise d’un message contraignant. L’analyse des comportements ne peut faire l’économie d’une plongée dans ces ressorts invisibles.
Vers une meilleure connaissance de soi grâce à l’identification de ses propres drivers
Détecter ses drivers constitue une étape décisive pour qui veut mieux se comprendre. Questionnaires, accompagnement en coaching ou travail introspectif permettent de mettre le doigt sur cette mécanique interne qui pilote les réactions sous pression. Les outils issus du Process Communication Model de Kahler, largement utilisés en formation, offrent une cartographie précise de ces tendances et révèlent la logique à l’œuvre derrière chaque profil de personnalité.
Ce modèle distingue six profils (empathique, analyseur, énergiseur, imagineur, persévérant, promoteur), et met en lumière la diversité des besoins psychologiques et des modes de communication privilégiés. S’appuyer sur cette grille, que ce soit en management ou en accompagnement individuel, offre un levier pour ajuster son positionnement, anticiper les tensions et fluidifier les relations professionnelles.
Pour desserrer l’étau des messages contraignants, les antidotes jouent un rôle clé. Il s’agit de se donner de nouvelles permissions, souvent à l’opposé du réflexe impulsé par le driver dominant :
- se dire « je fais de mon mieux », face à l’exigence du « sois parfait »
- oser dire non, pour briser le cercle du « fais plaisir »
- prendre le temps d’analyser avant d’agir, pour contrer le « dépêche-toi »
Adopter ces permissions, tout en restant attentif aux signaux d’alerte, trace la route vers un développement personnel plus fidèle à ses vraies aspirations. Les professionnels des ressources humaines et les coachs s’approprient ce modèle pour accompagner la transformation, prévenir les risques psychosociaux et cultiver une meilleure qualité de vie au travail.
Au bout du compte, comprendre ses drivers, c’est reprendre la main sur ce qui semblait jouer en coulisses. Et si, demain, vous pouviez transformer ces vieux automatismes en alliés pour tracer votre propre trajectoire ?